Octobre 17

Je suis Spiréal et je me lance dans le tournoi de la vie, sans maîtriser d'art martial autre que la poésie. Les autres combattants me rient au nez. Ils ont le droit. Ils ont su outrepasser tous ces obstacles par la force alors que moi, je me pointe, déterminé, avec du papier et un crayon pour les mettre à terre. Leurs légendes se bousculent et les miennes ne sont presque plus que des mythes.

Je sais que même si je gagne le tournoi, ils se relèveront vite, sans m'en vouloir, et continueront leur petit bonhomme de chemin. Car dans ces temps-ci, mon art martial n'est que le souvenir d'un passé glorieux dont tout être se proclamant héritier subit déconvenues sur déconvenues. C'est pour cela que je n'ai jamais voulu me hisser au niveau des légendes, mais pratiquer la discipline avec toute la passion qui découle de mes passions et de mes haines, de mes joies comme de mes blessures. Et puis, un jour, j'ai finalement trouvé la niaque nécessaire pour montrer à qui veut bien l'entendre que j'aime ce que je le fait et que ça peut me transporter plus loin qu'ils ne le pensent. D'où ma participation au tournoi.

Le premier combat approchant, je décide de m'entraîner. Des petits coups, loin de pouvoir mettre mes adversaires en déroute, frappent l'air...

La Maternelle

Petite fille,
Que voulez vous faire plus tard ?

"Moi, j'aimerai bien être une star,
Avoir un orchestre à ma cause
Chanter toutes les belles choses
Mais j'ai un ennemi : Public
Sa presse et son coffre de fric
Qui m'attribuera des silos de bière
Et de drogue sans trouver contestataire
Ma maison de disque suivra ma courbe
Et les téléspectateurs suivront mes courbes

Tout cela si seulement on valide ma voix
Car, sinon, je serai de celles-là
Qui passera dans le bêtisier annuel
Et qui pleurera de na pas être belle
Alors je découvrirai les choses, et voilà,
Que les filles qui ne sont pas que des divas
Se frotteront au sexisme ambiant
Jamais le même, mais toujours présent
Et si m'atteint le paroxysme de mon mal
Je finirai soit au bois, soit au canal
Et si je ne veut pas être princesse
C'est qu'il faut être infante de son altesse
Que je ne dois jamais déshonorer
Alors, à quoi bon rêver ?"

Diablesse

Peut-être avait-tu raison, en m'avouant
Que nous ne serions pas un duo gagnant
Car j'ai moi-même trouvé des raisons fondées
Pour me dissuader encore une fois de te désirer.

Tu est une reine, mais la monarchie n'est plus ma nation
Et puis aussi une sirène, mais j'aime pas les fins en queue de poisson
Je t'aurait couverte d'or, mais le platine vaut plus
J'allais être ton guerrier, fait de victoires à la Pyrrhus

Mais n'oublie pas, Diablesse, que je t'aime.

Tu es une lumière, mais tu me pètes les yeux
Tu es un Soleil, mais tu me chauffes vraiment peu
J'allais prendre ton parti, avec la peur d'en être membre
Jusqu'à t'inviter dans la tourmente de décembre...

Mais n'oublie pas, Diablesse, que je t'aime.

T'es ma vitre sur le monde, et j'y ai vu des atrocités
Tu es mon auteur préférée, mais je peux pas te citer
Tu es les quatre saisons, tu as fait durer l'hiver
Et mon médecin généraliste, mais je ne tient pas sur ta civière

Mais n'oublie pas, Diablesse, que je t'aime.

Hugo, tu pleures

Hugo, tu pleures, tu vis, tu parles, et jamais trop
Et même de ton tombeau tu refais de même
Car tu ne manquerais pour rien un temps nouveau
Avec, dans chaque main, des roses et des chrysanthèmes

Alors, avec des yeux de gamin, tu as pu
Observer la belle jeunesse qui se construit
Des gens sur qui il a fait beau et sur qui il a plu
Et qui sont restés tout en ayant un peu fui...

Hugo, cette jeunesse a pleuré devant toi,
Ils t'ont lu au pas, ou pas, mais ils sont tous romantiques
Chaque jour, leurs âmes seules les emmènent au combat
Avec des amours et des haines qui se veulent poétiques.

La deuxième génération n'est pas proclamée
Mais elle hante les bois comme un loup solitaire
Et si elle sait autant, c'est parce qu'elle fait
Ce qu'il faut du non-dit des dictionnaires.

Victor, merci d'avoir donné le je pour nous
Qu'aurions-nous été sans ton écriture divine ?
Je compte les battements de ton encre : du pouls
S'y cache, et qui rêve dort, et qui dort dîne.

Spiréal